L’huître est apparue il y a environ 230 millions d’années (âge du plus vieux fossile découvert). Lors des fouilles de l’église Saint-Pierre de Mornac, en 1952, avec la mise à jour d’un habitat néolithique (- 5000 av J.C), on a trouvé de grosses coquilles d’huîtres, cuites au feu, parmi d’autres reliefs de repas.
Les Romains étaient de grands consommateurs d’huîtres et les faisaient venir des rivages santons bordés de bancs naturels. C’était certainement la Plate “Ostrea edulis”. Comment pouvaient-ils leur faire faire un tel voyage sans réfrigérateur ? Pour pallier ce problème, ils avaient instauré “la route des huîtres”. Ils faisaient alimenter en eau de mer des viviers (à Clermont, Poitiers, Saintes, Jarnac, Béziers..) qui étaient destinés à stocker les huîtres lors de leur voyage. Ainsi elles arrivaient vivantes et fraîches à Rome.
Ils ont aussi inventé le “trompage”, qui consiste à remonter progressivement les huîtres sur l’estran, de façon à allonger les périodes hors de l’eau et à les habituer à tenir leur coquille fermée plus longtemps en gardant leur eau.
Un siècle avant notre ère, le naturaliste Romain Pline L’ancien évoque, dans son “Histoire naturelle”, l’origine de l’ostréiculture européenne. Au temps de l’orateur Crassus, écrit-il, avant la guerre des Alliés (91-88 avant J.C) Sergius Orata est le premier à concevoir des mares à huîtres dans les environs de Baies sur les rives du lac Lucrin et de souligner: “Orata tirait de grands profits de ses conceptions industrieuses, comme déjà pour ses bains suspendus et il eut un grand nombre d’imitateurs par la suite”. Mais il y a aussi la découverte dans les Pouilles et aux environs de Rome de deux vases funéraires. Sur le premier on trouve un dessin en perspective où figurent des viviers communiquant avec la mer par des arcades et on lit “Stagnum Palatium” (le nom de la ville de Néron) ainsi que “Ostrearia”. Le second vase porte l’inscription “Stagnum Neronis Ostrearia Stagnum Sylva Bais”. Voila qui montre que ces illustrations sont liées à des installations huîtrières de Baies. Sur les dessins, on remarque la dispositions de pieux pouvant servir de collecteurs ou de supports.
Les Grecs se servaient même des coquilles comme bulletin de vote. En effet lorsqu’ils voulaient bannir quelqu’un de la cité, ils procédaient à un vote avec le dessus de la coquille d’huître. De là est venu le terme “Ostracisme” : Ostrakon signifiant coquille.
Les Chinois aussi connaissaient l’ostréiculture puisqu’ils entaillaient des bambous sur lesquels ils mettaient des coquilles, qu’ils disposaient ensuite en mer afin que les larves d’huîtres viennent s’y fixer.
C’est au 17ème siècle, avec Louis XIII, (venu dans la région combattre les protestants) que l’huître devient à “la mode”. A la cour, un repas se compose ainsi d’environ 6 à 12 douzaines d’huîtres par personne. Elle est alors un symbole de séduction et on pense qu’elle a un pouvoir aphrodisiaque. La commercialisation se fait sous deux formes : celle apportée par bateau-coche est vendue dans sa coquille. L’autre dite de “chasse” dévolue au petit peuple, arrive chaque matin débarrassée de sa coquille dans les paniers de “chasse-marées”. Ainsi, elle arrive prête à être mise en ragoût. Les “huîtres de Marennes” se retrouvent dans la France entière, proposées aux clients par des écaillers “d’ailleurs le plus souvent écaillères” ambulants.
En 1790, le déclin de la culture du sel transforme les marais salants en claires. Les huîtres sont pêchées sur les bancs naturels, à la drague ou à pied, et élevées dans ces claires. Le commerce des huîtres étant très rentable et la demande grandissante, la première moitié du 18ème siècle est synonyme de pêche abusive. Les pêcheurs, “huîtriers”, pillent le fond des chenaux à la drague, ou les crassats (gisement naturels d’huîtres) au râteau. A cause de l’épuisement de ces gisements naturels, dans les années 1850, ils sont tous plus ou moins touchés par des interdictions d’exploitation afin de tenter de reconstituer les bancs.
Le 19ème siècle voit la naissance de l’ostréiculture moderne. Pour contourner la baisse des rendements de pêche de naissains d’huîtres plates et les interdictions d’exploitation, un naturaliste, Vincent Coste, s’inspirant des techniques romaines, a l’idée d’immerger des pieux de bois afin de capter le naissain : le captage artificiel, sur collecteur, est né. Et l’ostréiculture nait officiellement au JO du 19 avril 1875.
Elle cohabite avec l’huître plate, mais c’est “l’huître du pauvre”. L’huître plate se vend alors trois louis d’or le mille contre moins d’un louis d’or pour l’angulata. En 1920 cependant, après la mortalité inexpliquée de la plate en deux ans, sur tout le littoral atlantique, la portugaise va sauver la situation jusqu’à atteindre une production annuelle de 45 000 tonnes dans les années 1950-1960 et faire vivre 4000 exploitations en majorité de type familial.
En 1970, à son tour, l’huître portugaise disparait, en 2 ou 3 ans, victime d’une maladie des branchies. Mais la profession ne baisse pas les bras. Une importation massive d’huîtres japonaises est tentée en 1972 (opération RESUR) de deux façons :
– des lots de naissains captés sur coquilles sont importés du Japon.
– des lots de grosses huîtres viennent par avion de Colombie britanniques (Canada).
Ils sont immergés sur le banc de Mouillelande, face à Mornac sur Seudre, pour la reproduction. L’opération est un succès et la “Japonaise” devient l’espèce la plus cultivée en France. Il reste quelques niches de “Plates” à Belon notamment.
Début des années 60, la croissance des huîtres ralentit, elles mettent plus de temps pour arriver à une taille intéressante commercialement. Les ostréiculteurs mettent au point un système de migration qui dure toujours : captage à Marennes Oléron, élevage en Bretagne et Normandie où les eaux sont plus riches en plancton, retour pour affinage et commercialisation dans les claires Marennes-Oléron.
La Chine domine largement le marché mondial de l’huître avec 80% de la production. Elle est suivie par la Corée du Sud (6%), la Japon (4%) et les Etats-Unis (3%). La France (2%), soit 125 000 tonnes par an, n’arrive qu’ensuite, tout proche de la production américaine, et elle est le premier pays européen (85% de la production européenne). La Charente-Maritime, elle, avec 46 000 tonnes par an, est le premier département français en production et en emploi, avec 5120 personnes (soit un tiers de l’effectif global), dont la moitié sont saisonniers. La France consomme la majeure partie de sa production, à part quelques exportations, notamment vers l’Italie, la Chine, l’Espagne les Pays Bas, mais aussi Hong Kong.. De même, elle importe également très peu, principalement depuis l’Irlande et le Royaume Uni.
Les menaces de virus sont aussi toujours là. En 2008 et 2009, une mortalité inquiétante a frappé les jeunes huîtres d’un an, sans que les causes soient bien identifiées. A ce jour, la production semple repartir. Pur produit issu du milieu naturel, l’huître est un animal dont l’homme ne maîtrise toujours pas les secrets.
Les techniques d’élevage ont évolué, de l’élevage à plat sur l’estran à l’élevage surélevé en poches. La production de naissains se fait maintenant pour un tiers en closeries industrielles, et les chercheurs ont créé une huître stérile, dite “triploïde” non laiteuse et consommable en toute saison, sous le nom de l’huître des quatre saisons.
Association pour une culture de terroir, à partir des réalités du milieu côtier, du respect de ses qualités et de la transmission des savoir-faire traditionnels.